Interview de Walter Salles pour SUR LA ROUTE - Le Figaro

Walter Salles taille ''la route'' avec Kerouac 


INTERVIEW - En adaptant Sur la route, livre culte de la beat generation, le cinéaste brésilien réinvente le road-movie. 
Huit ans après Carnets de voyage, Walter Salles renoue avec un genre qu'il affectionne en taillant la route avec un de ses auteurs préférés, Jack Kerouac. L'histoire de deux amis et d'une certaine Marylou bien décidés à découvrir le monde. Au volant: Garrett Hedlund, Sam Riley et la belle Kristen Stewart. 
LE FIGARO. - Quand vous avez lu Sur la route, pensiez-vous en faire un film un jour? 
Walter SALLES. - Je sortais de l'université, j'ai tout de suite été épris de ces personnages à la recherche de toutes les formes possibles de liberté. Le récit était différent de tout ce que j'avais connu jusque-là, très marqué par le jazz, l'improvisation et aussi cette compréhension du sexe, de la drogue comme moyens d'amplifier notre perception du monde. C'était le contraire du Brésil des années 1970 et de son régime militaire. Sur la route commençait en 1947 et se terminait en 1951, tandis que mon précédent film, Carnets de voyage, se déroule de 1951 à 1952. Il y a une correspondance entre ces deux récits sur le passage de l'adolescence à l'âge adulte. Chaque moment est vécu comme si c'était le dernier. 
C'est aussi un road-movie… 
C'est un genre que j'aime beaucoup. Il m'a amené au cinéma, de Profession reporter à Alice dans les villesque j'ai vus à 17 ou 18 ans. 
Quand vous avez appris que Francis Coppola avait acheté les droits deSur la route, l'avez-vous pris pour un fou? 
J'ai toujours eu une immense admiration pour Coppola. J'ai été surpris qu'il y ait une option sur le livre dans les années 1980. Mais le temps passait et le film ne se faisait pas, peut-être parce c'était une période très conservatrice aux États-Unis, alors que le livre est plus proche de la liberté des années 1970. Nous avons commencé à travailler en 2004. Nous avons organisé des séminaires, invité des gens liés au livre et réuni 30 heures d'interviews. 
Quelle est la principale difficulté? 
Ce n'est pas un récit avec une architecture traditionnelle. C'est rythmé par le be-bop, construit par couches. Il fallait traduire cela dans un scénario tout en sachant que ce culte de la spontanéité devait se retrouver pendant le tournage. On a pas mal improvisé. Par exemple, Viggo Mortensen avait fait beaucoup de recherches sur ce que lisait, pensait Burroughs. Il avait apporté sa machine à écrire, ses armes de l'époque, ses livres (un sur les codes mayas et Voyage au bout de la nuit). Je considère les acteurs comme des coauteurs. 
Avez-vous hésité avant de vous lancer? 
Oui, parce que ma passion pour le livre n'était pas un passeport suffisant. J'ai suggéré de faire un documentaire que je dois terminer en septembre, À la recherche de Sur la route. Cela m'a permis de retrouver les routes empruntées par Kerouac pendant toutes ces années. 
Êtes-vous, comme Kerouac, un fan de be-bop? 
Je suis surtout fan de jazz. Kerouac est passionné par le jazz très tôt, dès 1941. Cette musique l'a beaucoup influencé pour l'écriture. Ses livres sont un flot continu, 175 mots lâchés sur une page comme un solo de jazz. Avec le chef opérateur Éric Gautier, nous avons essayé de capter des moments pour lesquels il n'y a pas de deuxième prise possible. Ces choses-là ne se produisent que dans le road-movie ou dans le documentaire. 
Auriez-vous aimé faire partie de la beat generation? 
J'admire le courage qu'ils ont eu de vivre à fleur de peau et pas par procuration. Aujourd'hui, on a un peu tendance à sentir les choses à distance. Avec Kerouac, on est dans l'anti-téléréalité. 
Comment un Brésilien peut-il s'intéresser à une histoire aussi américaine? 
L'intérêt de Kerouac est qu'il est un écrivain entre plusieurs cultures. Jeune fils d'immigrants, il ne trouve pas sa place dans l'Amérique aseptisée d'après-guerre. Il va la changer du dedans. 
Que diriez-vous à quelqu'un qui n'a pas lu le livre? 
Le plus beau cadeau qu'on puisse faire à un cinéaste qui adapte un livre est de revenir au livre. Il n'y a que Kerouac qui puisse parler pour Kerouac. J'espère que des jeunes éprouveront le même émoi que celui que j'avais eu à leur âge. 
Sur la route est-il votre livre préféré? 
J'ai été influencé par Thomas Wolfe, par Salinger, mais Kerouac était celui qui me parlait à la première personne. Les auteurs qui me touchent le plus maintenant sont Barry Gifford et Cormac McCarthy.
[+ lire la critique du film par le Figaro]

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